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 Un genre de musique constantinois : Le Zdjel

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MessageSujet: Un genre de musique constantinois : Le Zdjel   Un genre de musique constantinois : Le Zdjel EmptySam 31 Juil - 14:03

AUTOUR DU ZDJEL, GENRE DE MUSIQUE CONSTANTINOIS

Un article de Hichem-Zoheïr Achi
avril 2008
Le funduq à Constantine, lieu de pratiques musicales

A. Introduction : Constantine, ville carrefour

Les zdjoul (pluriel désignant les textes chantés du genre Zdjel) seraient arrivés « par accident » à Constantine au XVe siècle. Abdou Mawla (déformation de Abdou-l-Mawla), qui serait à l’origine de leur introduction dans cette cité, se rendait par bateau de Malaga (Andalousie) au Proche-Orient mais dût changer d’itinéraire à cause d’une grosse tempête.
Il fit escale à Jijel (aujourd’hui à environ 135 km au nord-ouest de Constantine) mais, aussitôt reparti, le bateau fut obligé d’accoster à Collo pour continuer son voyage par route en passant par Constantine. Ce voyage qui, lui, est vraisemblablement bien réel, est relaté par Abdou Mawla lui-même dans son zdjel « Yaoum khradjna men Malaqa » (le jour où nous sommes sortis de Malaga).
L’an 1487, date de la reconquête de Malaga, peut être envisagé. Ce serait alors la date approximative de l’introduction du genre musical des zdjoul (pas des azdjal) à Constantine. Une autre version sur l’origine des zdjoul existe dans la tradition orale des Boukhalfia, j’en parlerai plus loin.
Mais qui dit carrefour ou croisée de chemins, dit passages fréquents et surtout haltes et rencontres. Que Abdou Mawla soit arrivé à Constantine par hasard ou non, le fait est qu’il y a séjourné, certains de ses poèmes en attestent. Ce qui veut dire qu’il est descendu dans des funduqs, ce qui était l’usage, et qu’il y a rencontré des gens, dont des musiciens, fussent-ils de fortune. Jusqu’au début du XXe siècle, ce genre de rencontres dont le funduq est le réceptacle par excellence, était courant dans les cités méditerranéennes.

B. Places publiques à Constantine

Elles voyaient passer les caravanes et accueillaient les gouals [1], les meddahs [2] et les orchestres qui se déplaçaient de ville en ville, transportant avec eux leurs musiques et leurs traditions et les confrontant avec d’autres et en transmettant les influences.
Mieux, les gouals et les meddahs transportaient aussi leurs mythes et leurs légendes qu’ils mettaient en scène et interprétaient sur les places publiques.
Chaque funduq est spécifiquement destiné à un type de marchandise. Ainsi nous avons funduq el-mesk (funduq du musc), funduq ez-zaït (funduq de l’huile), funduq el-qomach (funduq du tissu), funduq el-guemh (funduq du blé, et des céréales d’une manière générale) et ainsi de suite. Les funduqs destinés aux marchandises polluantes ou malodorantes sont toujours placés aux extrémités de la cité, à proximité des « diar » (plur. de dar, litt. maison, corporation) où l’on traite les marchandises en question. Ainsi, funduq el-djeld (funduq de la peau, du cuir) se situait sur la limite Est de la médina de Constantine, près de « dar eddbagh » (maison des tanneurs), à pic au dessus de l’oued Rhummel.

Dès 1837, l’administration française en réquisitionna plusieurs qu’elle transforma en casernes, en sièges administratifs ou de négoce. Avec l’évolution des modes d’acheminement des marchandises et la disparition des caravaniers, les derniers funduqs de ce type ont été transformés en « diar » (maisons). A noter que, dans la plupart des cas, la dar (maison) est en relation directe avec le types de marchandises originellement acheminées vers le funduq en question. Parfois en maisons d’habitation, édifices publics ou autres.

Le 2ème type
Est exclusivement destiné à l’habitat temporaire pour les gens de passage ou plus sédentaire pour les zbanit (plur. de zbantout, dial. célibataire). Certains musiciens ou mélomanes y louent des chambres individuelles à l’année. Il ne présente pas de caractère architectural notable.
Chaque cheikh ala y dispose d’une chambre louée à l’année par lui-même, par son orchestre ou par un mécène. Il a un funduq de prédilection qui, par peur d’être espionné par ses concurrents, est rarement celui qui accueille un autre cheikh. Rares étaient les musiciens ou les mélomanes qui jouissaient, de la part de tous, de suffisamment de confiance pour être tolérés dans des funduqs de cheikhs différents.

Les funduqs des Boukhalfia
Les musiciens constantinois se souviennent de cinq funduqs où se tenaient des séances régulières de chant à Constantine. Ces funduqs, qui portent le nom de leur propriétaire (exception faite pour celui de Sidi Guessouma), sont : Belhadj Mostefa et Benazieb au Chatt, Kissarli à Souk-el-Âsser, Sidi-Guessouma à Rahbet-Essouf et Benazzouz à Souika. Ces deux derniers sont ceux privilégiés par les Boukhalfia. Funduq Sidi-Guessouma parce que le personnage y a longtemps séjourné de son vivant et Funduq Benazzouz parce qu’ils y tenaient leurs séances musicales jusqu’à leur désagrégation dans les années 1980.

D. Les Boukhalfia de Constantine

D.1. Origines
La version qui relie Diwan Boukhalfa à l’Asie mineure.
Les avis sur l’origine des hechaïchia, dont sont les Boukhalfia, sont partagés. Certains les relient à la secte chiite ismaélite des Assassins, fondée au XIe siècle par Hassan ibn as-Sabbah (1036 ? - 1124 à Alamut en Iran). Sidi-Guessouma aurait amené cette tradition à Constantine.
Cette affiliation n’est pas impossible car « Assassins » était le nom donné par les Francs à la secte des hachachine (de l’ar. hacha : couper) qui tirent leur nom de hachich (litt. herbe, kif). Des indices plaident cette affiliation.
D’abord le caractère initiatique du Diwan qui se traduit surtout par la réservation de leurs réunions et concerts aux seuls membres. Les « étrangers » au Diwan ne sont admis que s’ils sont parrainés par un ancien membre et après une assez longue durée d’éprouvement appelée tasfia (de l’ar. saffa : épurer) et dont le contenu n’a jamais été révélé.
Le kif, sans lequel il est quasiment impossible à un hechaïchi de vivre ou de chanter, et qui est consommé dans une longue et mince pipe appelée bouri (selon certains Boukhalfia, ce terme serait issu du verbe français bourrer - sa pipe en l’occurrence -, il aurait donné son nom au rythme léger de mesure 12/8 usité dans la partie vivace des zdjoul), est un autre élément qui rappelle les pratiques des sectes de la Mésopotamie et de la Perse d’à partir du Xe siècle.

Le maître de cérémonie du Diwan, tout comme celui des confréries religieuses des zaouïas [3], est appelé cheikh al âmel (litt. maître des travaux), d’où la connotation confrérique religieuse du Diwan.
Il emprunte aux soufis leur isolement (khalwa), bien que cette forme d’ascétisme soit différemment idiotçue chez les Boukhalfia de Constantine.
Aux sectes chiites leur adoption du principe ésotérique de la maârifa (terme désignant la connaissance par opposition au savoir). Cette maârifa est lisible dans les pouvoirs (karamate) qu’il accorde à son saint patron Sidi-Guessouma [4] à l’image des marabouts.
Cela rappelle les sectes mystiques mésopotamiennes ou persanes des environs du XIe siècle, les derviches en particulier.
Pour cette version sur l’origine de Diwan Boukhalfa, ces éléments, superposés à la chronologie de l’expansion des confréries mystiques à la région du Maghreb, situeraient la naissance des hechaïchia de Constantine vers la fin du XIe siècle.
Je parle de naissance car le genre musical des Boukhalfia n’est retrouvé nulle part ailleurs dans les autres Ecoles maghrébines.
Cependant, au-delà de cette version et de celle donnée dans l’introduction, Diwan Boukhalfa à Constantine ne correspond parfaitement à aucun autre ordre religieux ou maraboutique connu. Il semble plutôt que ses règles et préceptes soient un mélange de ceux de plusieurs ordres. Un processus d’hybridation ou d’évolution est possible.
Je crois que, pour le moment, il faut juste retenir de Diwan Boukhalfa qu’il est la continuation d’un genre musical et d’un mode de vie.

D.2. Mode de vie des Boukhalfia

Les Boukhalfia comme les hechaïchia vivent quasiment détachés du monde physique auquel ils appartiennent. Ils entretiennent, tout de même, avec les autres des rapports cordiaux. Ils vivent seuls en zbanit (plur. de zbantout : célibataire), ne se marient que très tard, voire jamais. Beaucoup d’entre eux habitent dans des funduqs, s’adonnant sans réserve au kif, à l’élevage des oiseaux chanteurs [5] et à la chasse saisonnière du porc-épic dont ils prisent la chair. Ils cultivent un rare culte de l’esthétique, leurs logis ainsi que leurs habits sont toujours impeccablement propres et les lieux où ils vivent ou chantent abondamment fleuris.
Au quotidien, les Boukhalfia exercent plutôt des métiers artisanaux. Cheikh Omar Bouhouala (1900-1990) [6], dit « Ferd Ettabia » (l’unique de la place Tabia), était cordonnier. Cheikh Mammar Benrachi (1904-1988) était dinandier.



E. La musique des Boukhalfia

E.1. Instrumentarium
Les instruments des Boukhalfia de Constantine se limitaient aux percussions. Les naghrat [7], les snoudj [8] et plus tard la derbouka [9]. Sans oublier le plus rudimentaire des instruments de musique : les mains.Lorsque les orchestres âla se sont appropriés les zdjoul, ces derniers ont commencé à être exécutés accompagnés de tout l’instrumentarium classique citadin, c’est-à-dire ôud, violons, mandoline, djaouaq [10] et autres.
Des questions se posent sur l’évolution dudit instrumentarium. Nous savons que la derbouka n’en faisait pas partie en Andalousie. Elle n’est jamais citée dans les azdjal, ni même dans les muwashah, datant de la période Andalouse. Ce n’est pas le cas du tar [11] et du sabati [12]. Qu’en est-il des snoudj ? Force est de constater que l’instrumentarium des Boukhalfia a régulièrement évolué en fonction de celui présent dans leur environnement musical.
Les zdjoul ne sont pas une musique de caravaniers et de voyageurs. Si cela avait été le cas, des traces en auraient subsisté ailleurs qu’à Constantine or il n’en est rien. Les zdjoul en tant que genre musical semblent avoir été une musique citadine qui se serait développée en Andalousie mais loin du faste des cours et des palais. Cela pourrait en faire, par le fait d’ascètes, comme Sidi-Guessouma, une musique mystique, ou tout aussi bien communautariste ou encore, plus simplement, une musique de démunis.

E.2. Répertoire poétique
Les Boukhalfia pratiquaient deux genres de musique : les zdjoul et le medh (genre panégyrique ou hagiographique) dont l’ossature poétique est non pas le zadjal mais un type de âroubi [13]. Les zdjoul se divisent, à leur tour, en deux grandes catégories : les zdjoul à thèmes profanes et ceux à thèmes religieux.
Quantitativement, Brahim Ammouchi (1903-1990) parlait de 2000 zdjoul, cheikh Mammar Benrachi de 800. Le collectionneur Mammar Benabdallah dit en détenir 1200. Je reste prudent devant ces chiffres car les collectionneurs parlent de textes de zdjoul (donc de azdjal) poétiquement valeureux, certes, mais dont la plupart sont de houlal (mélodies) inconnues.

Petite terminologie technique des zdjoul
• Bit (litt. chambre, maison) : ensemble de trois distiques (le plus souvent) ou plus.
• Talaâ (plur. toualaâ), équivalent, pour le zadjal, de la « khardja » du muwashah.
• Q’cid (litt. poème en arabe classique, plur. qasdaouate, pour ne pas confondre avec qsaïed qui est le plur. de qsida) : dans certains azdjal, texte poétique qui se place entre le talaâ et le bit suivant. Il est parfois rajouté ultérieurement par un autre poète. C’est une partie du zdjel qui n’est pas chantée par le chœur.
• Ghosn (plur. aghsan, litt. branche, rameau), désigne le vers entier. Dans les pays arabes orientaux, le ghosn désigne un hémistiche de muwashah ou de zadjal, le vers entier étant dit « samt ».

Terminologie spécifique au chant de zdjoul
• Sanâa : musique, mélodie d’une partie de la houlla.
• Houlla (litt. parure) : mélodie d’un bit complet comprenant « bit », « talaâ » et, éventuellement, « q’cid ».
• Khomassa (de l’ar. khamsa : cinq, peut-être relativement aux cinq doigts de la main qui claque) : chant exécuté par le chœur reprenant une partie ou la totalité du vers ou de l’hémistiche chanté par le zedjdjal.
• Khemamsi : membre du corpus de khomassa.
• Bach-khemamsi : khemamsi en chef.

Les zdjoul de funduqs
Abdou Mawla occupe, chez les Boukhalfia, une place notable parmi les auteurs de zdjoul bien que leur répertoire chanté lui doive à peine une vingtaine de poèmes. Ses thèmes de prédilection sont, par excellence, les voyages. Ses poèmes sont tous sujets à lectures ésotériques tels « el b’hour » (litt. les mers) qui décrivent des voyages physiques et/ou spirituels. Les deux autres thèmes que l’on retrouve dans la plupart de ses poèmes sont la mer et l’amour de Sidi Ali. Il s’agit de Ali ibn Abi Talib (v. 600-661), cousin et gendre du prophète Mohammed -sssl-. Dans le dernier talaâ de son zdjel « El ôud qad taranna » (le ôud a vibré), Abdou Mawla dit textuellement qu’il a « étudié » dans les Djafr(s) [14].

قريت في الأجفار
أنا عبد مولى

Moi, Abdou Mawla,
j’ai lu dans les djafrs

بكيوس من الخمر
و ساقـينا يملا

Et notre échanson de servir
des coupes de vin


Cela n’en fait pas nécessairement un hurufi [15] mais indique à coup sûr qu’il était chiite.
A la mer, allusion est continuellement faite dans le jargon des Boukhalfia. L’action de « surfer » entre les zdjoul et de passer d’une mélodie à une autre est dite « m’safra » (litt. fait de voyager). Un musicien ou un mélomane qui se fond dans les mélodies et/ou les poèmes chantés est dit « rakeb » (litt. à bord), son état est dit « rekba » (litt. embarquement).

A titre d’exemple, voici, traduit par l’auteur, le zdjel « البحر الكبير » (el b’har el k’bir, litt. la grande mer) de Abdou Mawla.

بيت1

بحرا من التيار
أنشيت من عيني

J’ai composé de mes yeux
une mer de courant

سفينة الأفكار
و جعلت من بدني

Et fait de mon corps
le bateau de mes pensées

رايس يقيس البحار
و ارسلت في حيني

Et, sans tarder, envoyé
un raïs mesurer les mers




طالع

و تفكرت هذوك الايام سالت دمعتي رقة
Ma larme a coulé, sensible au souvenir de ces jours là
يا تونس عليك سلام أبقى بالسلامة ابقى
Sois à jamais en paix Ô Tunis, je te salue

يا الخضراء عليك كلام
C’est de toi « la Verte » [19] que je parle

بيت 2

زاد الوحش و الغربة يا ناس حين عملت الزاد
Ô gens, lorsque je constituai me provisions grandit déjà ma nostalgie et ma tristesse
و اصحابي معي صربة و انتقلت لحلق الواد
Je partis pour Halq-el-Oued [20] accompagné de mes amis
توحشناك في الغيبة قالوا لي من غير مراد
Ils me dirent spontanément : Tu nous manques déjà, toi qui pars

طالع

قلت لهم نحو ثلاث عوام قالوا لي فكم تبقى
Combien vas-tu rester ? Trois ans. Environ ! … Répondis-je
يا تونس عليك سلام أبقى بالسلامة ابقى
Sois à jamais en paix Ô Tunis, je te salue

يا الخضراء عليك كلام
C’est de toi « la Verte » que je parle

بيت 3

وادعني و كن صابر يا رايس قرب سفري
Ô raïs, mon voyage approche Dis-moi adieu et sois courageux
يسال قل له سافر إذا جاك حد عن خبري
Si quelqu’un de moi s’enquiert Dis lui que je m’en suis allé
و بحر قوي زاخر في مركب بديع مجري
sur un resplendissant bateau voguant Sur une mer forte et tumultueuse

طالع

من عسرة هذوك الايام سالت دمعتي رقة
Ma larme a coulé, sensible à la difficulté de ces jours là
يا تونس عليك سلام أبقى بالسلامة ابقى
Sois à jamais en paix Ô Tunis, je te salue

يا الخضراء عليك كلام
C’est de toi « la Verte » que je parle

بيت 4

و غيبنا على الاعيان هب الريح و سافرنا
Par vent levé nous partîmes à perdre de vue les autres
و مشايخ جبل زغوان سيدي بو سعيد زرنا
Nous rendîmes visite à Sidi Bou Saïd [21] et aux cheikhs de Djebel Zaghouan [22]
محل خوض للقرصان راس الدار عشينا
Nous arrivâmes le soir à Ras Eddar [23] fief des corsaires

طالع

في سفرة تكون أمان طلبنا ربي و رغبنا
Nous priâmes Dieu, espérant voyager en paix
يا تونس عليك سلام أبقى بالسلامة ابقى
Sois à jamais en paix Ô Tunis, je te salue

يا الخضراء عليك كلام
C’est de toi « la Verte » que je parle

بيت 5

يزود لي الدعاء الصالح يا من كان سمع زجلي
Ô vous qui avez écouté mon zdjel, implorez Dieu pour moi
و امسيت على ظهر مالح فارقت الوكر واهلي
J’ai quitté ma maison et les miens pour me retrouver écumant l’eau
خلفني كئيب نايح عبد مولى قال علي
Abdou Mawla a dit : Ali m’a causé chagrin et lamentation

طالع

حوست عليه في أرض الشام خلفني كئيب رقة
Chagriné par son amour, je suis parti à sa quête en Terre de Cham
يا تونس عليك سلام أبقى بالسلامة ابقى
Sois à jamais en paix Ô Tunis, je te salue

يا الخضراء عليك كلام
C’est de toi « la Verte » que je parle

E.3. Disposition de l’orchestre
A l’origine, les Boukhalfia se tenaient en cercle. La place qu’occupe le cheikh est dite « sdar » (litt. front de troupe, avant-garde). Le bach-khemamsi se tient à son côté (droit ou gauche) et le corps des khemamsia continue ainsi de se constituer du plus chevronné au plus néophyte. Viennent ensuite les autres zedjdjaline (quand il y en a) et les deux demi-cercles finissent par se rejoindre pour former une « halqa » (litt. chaînon, boucle). Selon le besoin, plusieurs cercles concentriques peuvent venir augmenter le nombre de participants. Voir schéma ci-dessous.

Ceci en théorie. Dans la pratique, les Boukhalfia se positionnent comme ils peuvent. En fait, la figure dessinée par le positionnement de l’orchestre suit la forme de l’espace dans lequel ils tiennent la séance musicale. Dans le cas de maisons particulières et d’appartements, l’exiguïté des lieux les oblige à se disposer en quadrilatère, voire en U, afin de libérer le plus d’espace possible au milieu. Cet espace, toujours amplement fleuri, servait également de piste pour la danse des Boukhalfia. Une danse mystique exclusivement masculine, tombée en désuétude dès les années 1960. Peu se souviennent des détails de sa chorégraphie.

E.4. Déroulement des séances musicales
Le cheikh al âmel entame un zdjel sans prélude vocal (le istikhbar et le cyah précédant l’exécution de zdjoul sont l’œuvre des chanteurs ala) tout de suite soutenu par les claquements de mains des khemamsis et par les instruments de percussion intégrés par le diwan. Chaque sană est reprise en chœur jusqu’à la fin du chant. Si le cheikh al âmel désire arrêter de chanter, il marque un retour au rythme thaqil de mesure 16/16 alors qu’il en est au dernier hémistiche du zdjel. Ce dernier n’est alors pas repris en chœur.
Si, par contre, il décide d’enchaîner par un autre zdjel, il continue sur la même mesure et les khemamsis, qui auront compris le message, reprennent normalement la dernière phrase chantée.

Le corps des khemamsis se conforme exclusivement aux directives du bach-khemamsi sous la direction duquel il est placé. Bras droit du cheikh, le bach-khemamsi, par sa connaissance du répertoire, peut, dans le futur, prétendre au titre de cheikh al âmel.

a. Les sept impératifs de la khomassa
En écoutant chanter les Boukhalfia et en chantant les zdjoul, j’en ai déduit qu’en plus du sens inné (plus rarement acquis) de la mesure, nécessaire à toute forme de pratique musicale rythmée, le khemamsi doit maîtriser :

1. La rythmique et la métrique poétique (tarkab) ;
2. la répartition des syllabes du poème sur la mélodie (terkab, litt. montage), dont les règles sont différentes de celles qui existent dans le malouf. Pour ce faire, une période d’apprentissage plus ou moins longue et éprouvante est nécessaire. Deux à trois ans, selon cheikh Abdelkader Toumi-Siaf (1906-2005).
3. La maîtrise des houlal ;
4. le point de départ (dakhla) ;
5. totalité ou partie de la sanâa à reprendre ;
6. la reprise de rattrapage (refda) ;
7. les stations (menazel).

b. Techniques de variation
La technique du tarz [24] (litt. parure)
Qui consiste à entrelacer deux zdjoul en chantant leurs houlal par alternance. Toutefois, le tarz n’admet pas de chanter en même temps un zdjel classé profane et un autre à caractère religieux.

La technique des khawa [25] (litt. frères)
Consiste à chanter un zdjel de même houlla qu’un autre mais de poème différent.

c. Joutes et techniques de compétition
Les zedjdjalin (plur. de zedjdjal : chanteur de zdjoul qui n’est pas nécessairement cheikh al âmel), lorsqu’il y en deux ou plus dans une même séance de chant, s’engagent souvent dans un tournoi, chacun voulant prouver sa supériorité en montrant qu’il est celui qui connaît et maîtrise le plus de zdjoul. Ils ont alors recours, en plus de l’emploi de zdjoul inconnus, à l’une des deux techniques suivantes :

La technique des touala’
Son principe est le même que celui de la technique des khawa sauf que les zedjdjaline se contentent, par économie de temps, peut-être aussi à cause de leurs limites de mémorisation, de chanter les touala’ de zdjoul de poèmes différents à chaque tour mais de houlla identique.

Le zedjal qui n’arrive plus à suivre se retire pour devenir un simple khemamsi, ce qui permet un classement en fonction de l’ordre de retrait des zedjdjaline en compétition. Chez les derniers zedjdjaline, n’a subsisté de cette technique que son côté formel et plaisant.

La technique de la m’tarda (de l’ar. tārada : poursuivre, pourchasser)
Déjà connue dans la péninsule arabique de l’ante islam, chez les Boukhalfia elle se résume ainsi :
Le premier zedjdjal chante un zdjel de plusieurs houlal. A la fin du chant il passe la main au deuxième zedjdjal qui doit chanter un autre zdjel dont la première houlla est identique à la dernière houlla chantée par le premier, et ainsi de suite.
Beaucoup plus redoutable que celle des touala’, cette technique n’était déjà plus en usage au début du XXe siècle.

F. Conclusion : Diwan Boukhalfa de nos jours

Aujourd’hui, Diwan Boukhalfa a disparu, du moins pour ce qui est de ses pratiques musicales et de ses traditions sociétales. En 1988 est mort le dernier grand zedjdjal à l’unanimité reconnu comme tel, cheikh Mammar Benrachi. Ses quelques rares disciples sont toujours là, de jeunes chanteurs ont également repris, de leur chef et tant bien que mal, le flambeau de cette musique. Cependant, étant tous des chanteurs ala, ils ne chantent les zdjoul qu’occasionnellement. Vient s’ajouter une difficulté de taille, celle de trouver les bons khemamsis car la déperdition des zdjoul a commencé par là [26].

Quant aux autres orchestres ala, ils en jouent quelques pièces mais les techniques d’exécution sont loin d’être fidèles.

Une question se pose à moi : les zdjoul qui ont fait de si longs voyages pour se sédentariser à Constantine, même sous des formes sensiblement différentes de ce que nous en connaissons aujourd’hui, ne peuvent-ils pas refaire ce voyage à travers la méditerranée ? Je suis persuadé que si.

Positif également : les houlal ne sont pas totalement perdues, en plus de celles connues, j’ai réussi à en retrouver ou à en reconstituer d’autres. J’envisage de les chanter, un jour, dans l’esprit de convivialité propre aux funduqs et avec toute la beauté qui est la leur, à la manière des Boukhalfia.

Notes et références bibliographiques

[1] Goual (de l’ar. dialectal : gawwal, litt. : raconter, rapporter) : conteur public.

[2] Meddah (de l’ar. madaha, litt. : louer, faire des éloges) : chanteur de poèmes panégyriques se produisant dans les souks et les places publiques en s’accompagnant le plus souvent d’un bendir.

[3] Zaouïa : Institution caritative et spirituelle régie par une confrérie religieuse.

[4] Bensadji Guessouma Ben Achour, dit Sidi-Guessouma ( ? -1883), cordonnier dans sa jeunesse, était une sorte de derviche qui avait acquis respect et notoriété grâce aux miracles qu’on lui attribuait. Il est enterré à Constantine.

[5] Les Boukhalfia classaient les oiseaux en fonction de leurs chant. Ainsi donc il y avait le H’saïni (le plus apprécié) baptisé de la sorte en référence au mode constantinois h’sin (ou, peut-être, à la note aigue h’sin), les Boukhalfia disaient qu’il chante à la gloire de Dieu et son chant était assimilé à l’incantation « dja, dja, dja, Sidi dja » (est venu, venu, venu, Sidi est venu). Le Taleb (enseignant de Coran) surnommé « l’avare » car il chantait peu et semblait dire « djib, djib, djib, khabbi » (donne, donne, donne, cache). Le Haddad (le forgeron) dont le chant est saccadé et métallique. Le Grabaï (bruyant) dont le chant rappelle le bruit des ustensiles de cuisine, donc sans intérêt. Le Qzaqzi (le gazouilleur) dont le chant est bégayant. Le Moul-Errenna (celui à la mélodie) dont la capture était considérée comme de mauvais augure car on croyait que c’est cela (sa capture) qui avait précipité la chute de Constantine aux mains des français en 1837…

[6] Cheikh Omar Bouhouala (1900-1990) était un maître zedjdjal qui, selon les témoignages, aurait dépassé son propre maître, cheikh Mohamed Benkechkech (1870-1940) dit cheikh Qouaq. Cela est à relativiser quand on sait que sur les recueils de poèmes, certains zdjoul de houlla inconnue sont annotés de cette inscription : « le dernier qui connaissait ce zdjel est cheikh Qouaq »…

[7] Naghrat, petits caissons de percussion montés par paire à son baryton et aigu dits « chaïeb we chbeb » (litt. vieux et jeune). Les naghrat des orchestres ala sont à corps en terre cuite et à peau de chameau, ceux des khouan (répertoire religieux) sont à corps en cuivre. Les naghrat sont percutées avec une paire de bâtonnets en bois.

[8] Snoudj (déformé en znoudj), sing. sandj : cymbalettes généralement en cuivre, montées sur le tar dans l’orchestre âla ou utilisées en deux paires tintées avec les pouces et les majeurs chez les Boukhalfia.

[9] La derbouka constantinoise est traditionnellement à corps en terre cuite et à peau de poisson. Les orchestres utilisent plutôt aujourd’hui le modèle turc à corps en cuivre ou égyptien à corps en fonte (ou amalgame) et à peau synthétique. Une autre type de derbouka à totalement disparu de Constantine, c’est le « doulan » qui était réservé au mahdjouz et à la medha.

[10] Djaouaq, flûte constantinoise faite de roseau et dont l’ambitus sonore s’étale sur deux octaves.

[11] Tar, tambourin cylindrique à peau, serti de cinq à sept groupes de quatre cymbalettes de cuivre. Ses dimensions se situent entre le tar marocain (plus petit) et le « riqq » oriental (plus grand).

[12] Sabati, en Andalousie, instrument de percussion de forme carrée et à double peau.

[13] Âroubi, genre poétique postérieur au zadjal, d’origine rurale puis périurbaine pour le âroubi tardif. C’est aussi le nom d’un genre musical de bédouins « citadinisé » par les orchestres âla à Constantine et à Alger.

[14] Djafr, science mystérieuse qui repose sur la combinaison de chacune des vingt-huit lettres de l’alphabet arabe avec les dix chiffres. Les lettres y ont également une signification cosmogonique.

[15] Hurufi, savant ou exégète musulman, le plus souvent soufi (mystique), qui se base sur la science des lettres (îlm al hourouf) de l’alphabet arabe.

[16] D’après les Boukhalfia, Samuel ( ?), personnage inconnu, serait un des maîtres de Abdou Mawla. Le texte pourrait, cependant, suggérer que Abdou Mawla a emprunté une mélodie à Samuel.

[17] Une légende raconte que Abdou Mawla n’a jamais pu accomplir ce voyage jusqu’au bout. Rattrapé par la mort, il aurait été enterré dans la région de Tunis.

[18] El Marsa : localité près de Tunis.

[19] La Verte : l’un des deux surnoms de Tunis, l’autre étant “Tarchich”.

[20] Halq-el-Oued : localité près de Tunis, de nom francisé « La Goulette ». En arabe Halq al-Wadi signifie « le gosier de la rivière » ; en italien « gosier » se dit « goleta », d’où le nom français « La Goulette » (source : Collection Microsoft Encarta 2003).

[21] La mémoire de Sidi Bou-Saïd (Abou Saïd Khalef Ibn Yahia At-Tamimi Al Béji, 1156-1231) est célébrée tous les ans au mois d’août par la grande « kharja » effectuée par la Issaouia de Sidi Ammar de l’Ariana et la Issaouia de Sidi Bou-Saïd.
En septembre, les Chadûlies, auxquels est affiliée la zaouïa Sidi Bou-Saïd, se déplacent au village qui porte son nom pour clôturer leurs quatorzièmes jeudis appelés « aljmouâ ». Ils scandent alors :
« Ya Bou-Saïd ya Béji, ya raïs labhar, inch Allah ziara we niara …»
(Ô Bou-Saïd ô Béji, Seigneur des mers, que notre visite chez toi soit illuminée, ô Seigneur de toutes les mers…). Source : Moncef Abbas http://sidibousaid-eternel.blogspot.com/2005/10/biographie-succinte-de-abu-said-al.html

[22] Djebel (litt. montagne) Zaghouan se situe sur la chaîne de montagnes connue sous le nom de « dorsale tunisienne ». Plus haut point de l’Est de la Tunisie, il culmine à 1 295 m. Plusieurs saints de l’islam y ont leurs mausolées. Le plus visité est celui de Sidi Bou-Gabrine. La localité qui porte le même nom se situe à une cinquantaine de km au sud de Tunis.

[23] Ras Eddar : actuel Cap Bon au nord-est de Tunis.

[24] La technique du tarz existe aussi dans le malouf. Elle consiste à monter la suite musicale de deux pièces chantées bit par bit à tour de rôle. A Alger, cette technique est dite « mezdj ». Cette technique est réglementée.

[25] Il existe un nombre important de khawa pour la plupart des zdjoul. Cependant, de par leur profusion, cinq grandes familles de zdjoul se distinguent du lot. Ce sont : el bhar (la mer) avec le zdjel référence « Enchit men âyni bahran min attayyar » (J’ai composé de mes larmes une mer de courant) ; en nouah (les lamentations) « An-nawa ma youtaq » (Je ne puis supporter ce chagrin) ; al khsam (le litige) « Ya kadi lensaf » (Ô impartial kadi) ; lechraq (le lever du soleil) « Nkes el fahs fi houllat lechraq » (L’impuissance des mots pour décrire la beauté du lever) et el hwa (la passion) « Ya ahl al hawa sidi » (Ô gens de passion).

[26] cf. : ACHI, Hichem-Zoheïr : « Relation de la répétitivité complémentaire et de l’agencement des toniques dans le répertoire musical constantinois aux concepts philosophiques soufis », 1er Forum International Expressions Artistiques et Soufisme, Mostaganem, 10-12 octobre 2006.
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