In El Moudjahid 08 octobre 2011
FIBDA : La bande dessinée face aux messages idéologiques
La salle de conférence de l’esplanade de Riadh El Feth a abrité mercredi dernier dans le cadre des nombreuses activités du FIBDA 2011, une conférence présentée par un spécialiste en communication congolais qui a fait ses classes à l’université catholique de Belgique, M. Hilaire Mbiyé, en présence du journaliste Ameziane Ferhani.
Le conférencier a longuement parlé de l’impact idéologique de la bande dessinée comme moyen de diffusion de la culture de la paix à travers un corpus d’albums édités en Afrique. Ce spécialiste en sémiologie et communication qui participe pour la 3e fois au festival a orienté son discours sur le thème majeur de cette édition « La paix en bulles » à travers lequel les organisateurs ont pu apprécier et montrer au public le 9e art comme vecteur des idées humaines de paix.
Il a montré face à une assistance composée de bédéistes et journalistes algériens, européens et africains, comment la bande dessinée fonctionnait dans les situations de crise en clarifiant les concepts de paix à travers la signification négative de ce mot qui recouvre le sens d’absence de conflit ou dans son acception positive comme une série de comportement de paix et de processus qui consistent à établir une culture de confiance entre les peuples afin d’éviter le langage violent des armes : « La paix est une façon de résoudre les conflits pour atteindre une plénitude sociale, ce n’est pas une idée abstraite mais au contraire une action pour l’éducation des masses, une action soutenue par l’UNESCO » a-t-il affirmé dans son préambule. Pour lui, le rôle des médias suppose tout un système de communication du message, de savoir, de pratiques culturelles et politiques : « Ils sont devenus les prêts-à-penser mais restent souvent ambivalents et capables de véhiculer le meilleur ou le pire. Ils jouent sur l’émotionnel et privilégient le sensationnel.
La démocratie ne disparaît pas pour autant mais devient une donnée relative », a-t-il ajouté. La bande dessinée qui transmet un message au moyen d’un texte et de dessins est selon lui un média à part entière qui éduque et fait plaisir. Elle est considérée en Afrique comme un véritable medium mais uniquement comme média éducatif : « C’est un instrument au service pédagogique qui a contribué dans les années 1950 à la lutte contre les maladies endémiques, pour l’assainissement de l’environnement et à la paix et cohabitation pacifique. » Les bédéistes africains d’aujourd’hui qui tentent de sensibiliser les populations en faveur d’une culture de paix sont nombreux à participer aux manifestations sur la paix comme celle organisée par les artistes qui dénoncent les guerres et les génocides.
Notre orateur citera une série d’exemple de BD qui touchent en Afrique principalement les populations rurales en sensibilisant et vulgarisant le message à travers tout un dispositif narratif d’œuvres qui exploitent au Sénégal ou au Congo et en Afrique subsaharienne, les thèmes sur les dialogues interreligieux, l’identité culturelle, l’unité comme force contenue dans le mot paix comme dans les conflits entre le Ruanda et le Burundi ou encore l’éveil des consciences comme diversité culturelle notamment entre les ethnies Tutsies et Hutues, la sensibilisation à la question des enfants soldats pour interpeller les seigneurs de guerre, la violence sexuelle, etc. Dans tous ces cas de figure, la bande dessinée qui obéit, d’après ses recherches, souvent en Afrique à des commandes faites par des organisations caritatives, suggère un comportement à adopter pour combattre la haine, la discrimination et l’injustice. Selon lui, la BD a une responsabilité morale et défend un processus de paix, elle est à ce titre un maillon essentiel de la stabilité politique même si elle demeure dans l’absolu un indicateur pour l’expression du beau, du vrai, elle structure aussi les rapports sociaux : « Mieux vaut un petit dessin qu’un long discours et la bande dessinée se bat pour ce qui doit revenir à l’homme : La dignité » affirme Hilaire Mbiyé en guise de conclusion.
Lynda Graba