Quartier Saint-Jean à Avignon : chronique d'une violence ordinaire
La Provence (édition Avignon) 01 septembre 2010.
Un Avignonnais dénonce l'abandon par les pouvoirs publics du quartier St-Jean où régnerait "un climat de haine"
Lundi, à la veille du procès devant le tribunal correctionnel d'Avignon, Nicolas Hurlin a été approché dans le parc où il promenait son chien : "Retire ta plainte sinon on te la fera retirer de force". Nicolas fait face : "restez là, j'appelle la police". Les deux "jeunes" sont partis. Mais Nicolas n'en peut plus. Outre les douleurs à son oeil droit et les troubles du sommeil qu'il ressent depuis qu'il a été agressé le 12 août dernier, ce jeune homme a peur. Une angoisse partagée par sa soeur et ses parents qui l'ont soutenu hier lors de la première étape judiciaire.
Deux autres procès doivent avoir lieu dans ce dossier de violences en réunion : un mineur, écroué dans le cadre de l'enquête, sera en effet jugé dans quelques jours et un majeur dans quelques semaines. Hier Omar Yachou, 18 ans était le premier à répondre de sa participation à l'agression. Il reconnaît du bout des lèvres. Alignant quelques mots qu'il ponctue par des "voilà", "ouais", "je regrette".
Devant ses amis qui assistent aux débats en s'amusant, il fait le dos rond. Attendant que l'orage passe. Mais les faits sont là. Effrayants. Le 12 août dernier après la dégradation d'une voiture dans le quartier Saint-Jean, Nicolas Hurlin passe le mot aux voisins. "Rentrez vos voitures, faites attention". Le message ne plaît pas à un groupe de jeunes qui squatte devant le parvis de l'Église.
Nicolas, qui vient de rattraper son chien sorti du jardin, est interpellé. "Batard, connard, sale blanc, sale Français de dommage. On va brûler votre maison et celles de vos voisins"... les mots font mal. "Vous appelez les flics vous ne savez pas vous défendre seuls"...
Sa soeur et son amie sont prises à partie. Nicolas les rejoint. Les coups pleuvent. Il est grièvement blessé à l'oeil droit. Il a le visage en sang. Un voisin l'extirpe du groupe et le met à l'abri chez lui. "Quand il s'est réfugié, je suis parti. Voilà" lâche Omar Yachou. Partie civile, Me Tartenson dénonce cette violence gratuite qui s'inscrit dans un "contexte très lourd d'insécurité chronique" teinté "d'agressivité et de haine de l'autre". L'avocat insiste sur le "caractère gratuit" de "l'agression d'une violence inouïe".
Lors de son réquisitoire le vice-procureur Giffault, tout en demandant au tribunal de "prendre garde aux amalgames" souligne qu'il est "du devoir du mécanisme judiciaire d'analyser le contexte. On doit prendre en considération le comportement des agresseurs qui sont des jeunes désoeuvrés qui tiennent des propos haineux. Ce dossier est préoccupant car il en émane un climat malsain" poursuit le représentant du parquet qui trouve "inadmissible" qu'une "partie de la population d'Avignon à certains moments soit en butte à un climat d'insécurité avec le sentiment d'être délaissée face à des jeunes malveillants".
Le tribunal suit les réquisitions et condamne le prévenu à 6 mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve avec interdiction de rencontrer les victimes. Il est ordonné une expertise médicale de la victime à qui il est alloué une provision de 2000 euros.
Bruno HURAULT (bhurault@laprovence-presse.fr