«Expliquer plus, c'est comprendre mieux»

«Expliquer plus, c'est comprendre mieux»
Par François Dosse

Cette formule, comme ses variantes, a été prononcée par Paul Ricœur à plusieurs reprises. Ce n’est pas un simple slogan, ni un encouragement creux. Depuis la fin du XIXe siècle, en effet, une certaine philosophie de la connaissance tend à opposer deux modalités de savoir : l’une, basée sur l’explication des phénomènes, serait celle des sciences naturelles, l’autre, basée sur la compréhension, serait celle des sciences de l’esprit, comme la philosophie, la littérature. Confrontées à une telle distinction, les sciences dites humaines sont en position inconfortable, ne sachant trop à quelle espèce de vouer.

Plus souvent qu’à l’habitude, la sociologie, l’histoire ou la psychologie ont prétendu expliquer, désigner des causes, bref « faire science ». Ainsi le marxisme prétend-t-il expliquer le mouvement de l’histoire, et la psychanalyse le pourquoi des névroses. À côté de cela, la sociologie de Max Weber, l’ethnométhodologie d’un Garfinkel ambitionnent de décrire et de comprendre. Par sa formule, Ricœur ne prétend pas faire disparaître cette querelle des méthodes mais tenter d’en apaiser l’intensité. Pour lui, explication et compréhension ne s’opposent pas : elles alternent et finalement se cumulent. Reste à savoir dans quel sens, mais il est assez clair que pour Ricœur, expliquer sert à comprendre, plutôt que l’inverse. Les postures conciliantes ne sont pas celles qui procurent le plus d’amis : Ricœur, disgracié en France dans les années 1970, trouvera des oreilles plus compréhensives aux États-Unis et en Belgique, où sa renommée sera, momentanément, bien supérieure à ce qu’elle est à Paris.

Petite Bibliographie :
• Philosophie de la vérité
1950-1961, 2 t., rééd. Aubier, 1992.
• Histoire et Vérité
1955, rééd. Seuil, coll. « Points essais », 2001.
• De l’interprétation. Essai sur Freud
1965, rééd. Seuil, coll. « Points essais », 1995.
• Le Conflit des interprétations. Essai d’herméneutique
Seuil, 1969.
• La Métaphore vive
1975, rééd. Seuil, coll. « Points essais », 1997.
• Temps et Récit
1983-1985, 3 t., rééd. Seuil, coll. « Points essais », 1991.
• Lectures
1991-1993, 3 t., rééd. Seuil, coll. « Points essais », 1999.
• La Mémoire, l’histoire, l’oubli
2000, rééd. Seuil, coll. « Points essais », 2003.
• Ce qui nous fait penser. La nature et la règle
Avec Jean-Pierre Changeux, Odile Jacob, 1998.
• Paul Ricœur et les sciences humaines
Christian Delacroix, François Dosse et Patrick Garcia (dir.), La Découverte, 2007.
• Paul Ricœur. Le sens d’une vie (1913-2005)
François Dosse, La Découverte, 2008

Invité

Je pense qu'il ne suffit d'expliquer peu ou beaucoup pour mieux comprendre mais il faut impliquer dans la réalité de la pratique des choses quelques soient leur ordre afin que le savoir s'ancre et puisse être transmis par la suite.

Oui dans l'absolu, mais l'articulation par rapport à la réalité dépend des approches et des objectifs, sans oublier que la réalité est objet d'explication et en même temps instrument de cette explication.

Expliquer plus, c'est comprendre mieux ?

En effet, quand on explique plus, on comprend mieux ce qui est moins. (?)

... Mais là, je m'aperçois que je comprends de moins en moins ce que j'ai voulu expliquer de mieux en mieux.

Pardon donc et... à plus.

Invité

Admin a écrit:: Oui dans l'absolu, mais l'articulation par rapport à la réalité dépend des approches et des objectifs, sans oublier que la réalité est objet d'explication et en même temps instrument de cette explication.

est-ce-que tu mets en doute la certitude scientifique ? je remarque que tu remet en cause la méthode scientifique, c a d le rapport de causalité cité en haut, il est vrai que la science échoue parfois, mais elle avance !

Invité

A mon avis, il est difficile de dire qui vient en amont, les sciences naturelles ou bien les sciences de l'esprit. d'après le texte Ricoeur met les sciences naturelles en amont "expliquer sert à comprendre, plutôt que l'inverse". mais si on prend par exemple le rationalisme (qui nous conduit vers le principe de causalité chèr aux sciences naturelles) est avant tout un état d'esprit mis au service de la science , c a d que c'est en quelque sorte une position axiomatique qui n'est pas prête à être discutée, pour passer à des déductions.

Pour moi tout est relatif.

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