Les recettes du pouvoir pour gagner du temps
Samir Allam
In TSA 18/04/2011
Gagner du temps pour tenir jusqu’en 2012 : la stratégie du pouvoir algérien pour gérer la contestation sociale et politique dans le pays se précise. Elle a été confirmée par le discours du président Bouteflika prononcé vendredi dernier. Pourquoi 2012 ? L’année prochaine sera une année électorale aux États‑Unis et en France, les deux pays en première ligne dans les pressions exercées sur les dirigeants arabes.
En pleine campagne électorale, les présidents Obama et Sarkozy seront alors plus prudents en matière de politique étrangère. En 2012, les révoltes démocratiques en cours dans le monde arabe, notamment chez nos voisins en Tunisie, en Égypte et en Libye, auront sans doute produit quelques désillusions, espère aussi le pouvoir algérien. Des désillusions qui rendront les Algériens encore plus prudents. Enfin, des échéances électorales sont prévues en 2012 en Algérie – législatives et locales. Les débats vont davantage se concentrer sur les conditions de leur déroulement que sur les changements démocratiques profonds.
En attendant, il faut gagner du temps. Première astuce : retarder au maximum les annonces. Ainsi, le chef de l’État a attendu plus de trois mois entre les émeutes de début janvier et son discours à la Nation. Entre‑temps, il a chargé le gouvernement de gérer les urgences et ses proches d’affirmer que des réformes importantes seront annoncées. Mais comme la pression devenait de plus en plus forte, il a fini par parler vendredi et annoncer des réformes politiques qui étaient, selon lui, prévues de longue date. Le président n’a pas expliqué pourquoi il attendu que le pays soit touché par plus de 330 mouvements sociaux pour parler. La seule explication réside dans le fait qu’il cherchait à gagner un maximum de temps.
Deuxième recette : ne pas fixer de calendrier pour les « réformes démocratiques » annoncées. Vendredi, le chef de l’État a dévoilé plusieurs réformes politiques : révision de la Constitution, une nouvelle loi sur les partis, révision de la loi électorale et un nouveau code de l’information. Mais le président Bouteflika n’a fourni aucun calendrier pour leur mise en place. Cette stratégie lui permettra de gérer la montée de la contestation dans la rue et les pressions internationales. A chaque hausse de la pression, le pouvoir pourra lancer l’une des réformes annoncées par le président Bouteflika, donnant ainsi l’impression que les choses progressent.
Troisième et dernière recette : retarder au maximum le remaniement du gouvernement. Le président Bouteflika le sait : son gouvernement est impopulaire. Il a montré son incapacité à gérer le pays. Mais il le maintient. Après avoir prévu un remaniement au début de l’année, il a renoncé. Dans sa stratégie visant à gagner du temps, c’est un joker à ne pas griller trop rapidement. Les changements de gouvernement sont souvent suivis d’une période de grâce accordée à la nouvelle équipe. Pour le président de la République, la période idéale pour un tel changement serait la fin de l’année. La nouvelle équipe aura alors pour mission de préparer les échéances électorales de 2012.
Mais cette stratégie n’est pas sans risque. En jouant sur le temps, le pouvoir risque de provoquer une paralysie de l’économie du pays. Les mouvements de grève devraient se poursuivre et les inquiétudes des investisseurs vont s’accentuer. Sans compter que l’absence de réelles réformes démocratiques conjuguées à un malaise social profond fait courir le risque d’émeutes violentes comme en janvier dernier. Cette fois, le pouvoir aura du mal à ramener le calme avec de simples mesures sur les prix des produits alimentaires.