In Le Figaro
28/07/2011
Le sujet fait débat depuis des années : pourquoi l'homme de Néanderthal a-t-il disparu après avoir régné sur l'Europe pendant environ 400.000 ans ? Longtemps considéré - à tort - comme une brute épaisse, ce chasseur-cueilleur particulièrement bien adapté au froid, qui maîtrisait le feu et enterrait ses morts, s'est complètement éteint quelques milliers d'années seulement après l'arrivée de nos ancêtres Homo sapiens, des «envahisseurs» venus d'Afrique et du Proche-Orient, qui ont déferlé sur notre continent il y a environ 40.000 ans.
Réchauffement climatique
Dans une étude publiée vendredi dans la revue Science, Paul Mellars et Jennifer French, paléontologues à l'université de Cambridge (Royaume-Uni), avancent une hypothèse hardie : les hommes de Neandertal auraient tout simplement été submergés par le nombre des nouveaux arrivants. Pour cela, ils ont étudié les vestiges préhistoriques du Périgord, dans le sud-ouest de la France, lesquels rassemblent la plus grande concentration de sites archéologiques de ces deux espèces d'hominidés en Europe.
En se focalisant sur trois périodes bien précises, entre -35.000 et -55.000 ans, les chercheurs britanniques ont constaté que la population des premiers hommes modernes était neuf à dix fois plus nombreuse que celle des néandertaliens qui occupaient la place. Ce formidable boom démographique aurait largement contribué, selon eux, à repousser les autochtones néandertaliens aux marges de l'Europe. Notamment dans la région de Malaga, dans le sud de l'Espagne, et dans le nord de la Sibérie où les derniers survivants connus du «plus vieil Européen» se sont éteints il y a environ 28.000 ans.
Le brutal réchauffement climatique qui s'est produit il y a 40.000 ans, c'est-à-dire à peu près au même moment, n'aurait fait qu'accentuer le processus, en ouvrant d'avantage d'espaces aux nouveaux arrivants. «Plus nombreux, mais aussi plus sédentaire et plus diversifié dans son alimentation, Homo sapiens a su mieux tirer son épingle du jeu que Neandertal», souligne le paléontologue Pascal Picq qui juge l'approche de ses collègues «solide» et «intéressante».
Un avis que ne partage pas du tout son collègue Bruno Maureille (université Bordeaux-I/CNRS). «Quels que soient les gisements étudiés, y compris dans le sud-ouest de la France, les niveaux stratigraphiques censés être rapportés aux néandertaliens sont toujours antérieurs à ceux de l'Aurignacien (période correspondant à l'arrivée des premiers hommes modernes, NDLR), explique-t-il au Figaro. Or pour parler d'expansion démographique, il faudrait que les niveaux soient contemporains, ce qui n'est le cas nulle part.»
Plus nuancé, le Pr Yves Coppens suggère de faire la même étude dans d'autres régions. «À cette époque la densité de population était extrêmement faible, avec à peine 10.000 habitants pour toute l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural. Dans ces conditions, il est difficile d'extrapoler des résultats obtenus à l'échelle régionale sur l'ensemble du continent.» Le débat n'est donc pas clos.
Marc Mennessier