Entretien de Salah Gaïd, président de l’Union des paysans algériens libres accordé au quotidien El Watan le 16/04/2009
- Cette année encore, le prix du kilo de la pomme de terre s’envole, tout le monde accuse tout le monde mais la situation ne change pas. Est-ce une fatalité ?
- Les prix en cette période de mars-avril connaissent la même hausse depuis deux ans, et ce, malgré les mesures prises par le gouvernement pour l’éviter. Mais voilà , il y trop d’intermédiaires entre l’agriculteur et le consommateur, les chambres froides ne servent à rien puisque la pomme de terre de saison (à peau fragile) ne supporte pas le froid, les pluies empêchent les agriculteurs de travailler, les wilayas ne sont pas coordonnées dans le transport des denrées, les marchés de gros sont inadaptés. En outre, l’Etat ne fixe pas les prix de ces produits. Dans quelques semaines, avec l’arrivée de la production sur les marchés et le retour du beau temps, les prix peuvent baisser. Mais l’année prochaine, on aura le même problème. Et encore, là on parle de la pomme de terre, mais dans quelques semaines on parlera de la tomate !
- Mais les mandataires accusent principalement les intermédiaires d’être derrière la hausse des prix…
- Ce n’est pas faux. Le producteur n’a pas les moyens de transporter et d’emmagasiner, il vend directement dans son champ. Un premier intermédiaire, qui se trouve par exemple dans le café d’à côté, met en contact l’agriculteur avec un second intermédiaire. Ce dernier vend le produit au marché de gros et un autre ensuite au détaillant. Donc le prix augmente. Les plus grands perdants sont le producteur et le consommateur. Il faudrait penser à moderniser les marchés de gros ainsi que les abattoirs et, surtout, ouvrir les marchés de détaillants aux producteurs eux-mêmes comme dans d’autres pays.
Il n’y a aucune réglementation dans cette chaîne ? Aucun contrôle ?
- Bien sûr que les textes existent, mais c’est la coordination et l’application qui fait défaut. Il faudrait que les ministères de l’Agriculture et du Commerce, ainsi que leurs services de contrôle se coordonnent pour réguler les marchés de gros et la quantité de la production. C’est un problème de vision globale. Il est vrai que durant ces dix dernières années l’Etat s’est occupé de l’agriculture : n’oublions pas que les dettes des agriculteurs ont été effacées deux fois, bien qu’il y ait de faux fellahs qui en profitent. Mais en retour, on ne voit pas le résultat concret.