Aristote est né en -384 en Macédoine, à Stagire (d'où son surnom : le Stagirite), ville de Chalcidique. Stagire se trouve près de l'actuelle Stavro, proche du mont Athos. Son père, Nicomaque, était le médecin du roi Amyntas II de Macédoine. Sa mère, Phaéstis, était une sage-femme originaire de l'île d'Eubée. Il perdit à 11 ans son père, puis sa mère, et fut élevé par son beau-frère, Proxène d'Atarnée, à Atarnée, en Mysie, où il se lie d'amitié avec Hermias d'Atarnée, futur "tyran" de Mysie.
Assoiffé de connaissance, il se rendit à Athènes. Il commença par suivre les cours d’Isocrate. Peu satisfait, il décida de rentrer à l’Académie de Platon à l’âge de 17 ans, vers -367, alors que Platon se trouve en Sicile. Il y fut remarqué, notamment pour son intelligence. Platon lui donna même le droit d’enseigner, surtout la rhétorique, en tant que répétiteur. Il resta 20 ans à l'Académie, jusqu'à la mort de Platon. Il peut donc dire, à ce moment : "Nous", au sens de "Nous, les platoniciens".Platon l'appelle "le liseur" (ὁ ἀναγνώστης) ou "l'intelligence de l'école" (νοῦς τῆς διατριβῆς). Il est platonicien, mais critique, puisqu'il rejette la théorie des Idées, centrale chez Platon. Chacun connaît la célèbre formule : "Ami de Platon, mais encore plus de la vérité." Aristote disait : "Ce sont des amis qui ont introduit la doctrine des Idées. (...) Vérité et amitié nous sont chères l'une et l'autre, mais c'est pour nous un devoir sacré d'accorder la préférence à la vérité."
Sa première période de production se place donc à l'Académie (-366/-346). Il a commencé par écrire 19 œuvres, dont des dialogues, aujourd'hui perdus, et de philosophie platonicienne : Gryllos ou de la rhétorique (polémique avec Isocrate), Le banquet, Le sophiste, Eudème ou de l'âme, Protreptique, Sur la philosophie ou du Bien, etc. Il s'oppose déjà, Platon vivant, à la théorie des Idées de Platon.Ensuite (à partir de -350), il forma l' Organon, le corpus logique : Catégories, De l'interprétation, Premiers Analytiques, Seconds Analytiques, Topiques, Réfutations sophistiques, quelques livres de Physique (I, II, VII ?), un livre du De l'âme (III), le début de la Métaphysique, le début de la Politique. Il s’intéressa à la vie politique locale mais ne put y participer du fait de son statut de métèque (« étranger » à la cité).
À la mort de Platon, en -346, Speusippe, neveu de Platon, succèda à celui-ci. Dépité, Aristote partit pour Atarnée, avec deux condisciples, Xénocrate et Théophraste. D'Atarnée, Aristote passa au petit port d'Assos (actuel village turc de Berhamkale), peut-être après un refroidissement dans ses relations avec Hermias d'Atarnée. Aristote poursuivit ses recherches biologiques et commença à observer la faune marine. Il ouvrit une école de philosophie, une sorte de filiale de l'Académie.
En -344, quand Hermias d'Atarnée, livré aux Perses, fut exécuté par Ataxercès III, il se rendit à Mytilène, dans l'île voisine de Lesbos, chez Théophraste. Il y ouvrit sa deuxième école, pour environ deux ans.
En -343, il rentra en Macédoine, appelé par le roi, Philippe II de Macédoine, pour devenir, deux ou trois ans durant, le précepteur du prince héritier, le futur Alexandre le Grand, alors âgé de 13 ans. Il lui enseigne les lettres (dont l' Iliade) et sans doute la politique. À la cour de Mieza, au nord de Pella (capitale de la Macédoine), il acquiert de nombreuses amitiés.
Sa deuxième période de production se place à Assos, Mitylène, Mieza (-345/-335). Il produisit alors la suite de la Physique (III, IV, V, VI), Du ciel, De la génération et de la corruption, la suite de la Métaphysique, une partie de l' Éthique à Nicomaque (livres I.6, VII, VIII, II, III), la Rhétorique, la Poétique. Il s'occupa sans doute de la reconstruction et de la législation de Stagire, qu'il voulait reconstruire après que Philippe II de Macédoine l'eut détruite en -349. Vers 341 il épousa Pythias, nièce et fille adoptive d'Hermias d'Atarnée, réfugiée à Pella. Elle lui donnera une fille, Pithias. C'est en -338 que Philippe II de Macédoine, père du futur Alexandre le Grand, soumet Athènes. Âgé de 49 ans, en -335, Aristote revient à Athènes.
Une seconde fois, la direction de l'Académie lui échappe, cette fois au profit de son condisciple et ami Xénocrate, en -339. Il fonde alors sa troisième école, le fameux Lycée, sur un terrain loué, mais non acheté (Aristote est un métèque, il n'a pas le droit à la propriété). Le mot "Lycée" vient de ce que le lieu est voisin d'un sanctuaire dédié à Apollon Lycien. Ainsi nait — mais ce n'est pas certain - l'école péripatéticienne. "Péripatéticienne" vient de peripatein (περιπατεῖν), "se promener". Le Lycée était situé sur un lieu de promenade (peripatos) ou bien le maître et les disciples philosophaient en marchant. Les aristotéliciens sont "ceux qui se promènent près du Lycée" (Lukeioi Peripatêtikoi, Λύκειοι Περιπατητικοί). Le Lycée comprenait une bibliothèque, un musée... qu'Alexandre le Grand finançait. Aristote faisait deux types de cours, l'un, du matin, appelé "acroamatique", réservé aux disciples avancés, l'autre, de l'après-midi, ouvert à tous, et appelé "exotérique". Lui habite dans les bois du mont Lycabette. Devenu veuf à Athènes, en -338 il prit pour seconde épouse une femme de Stagire, Herpyllis, dont il eut un fils qu’il nomma Nicomaque, du nom de son propre père. Nicomaque mourut jeune. L'ouvrage d'Aristote consacré aux thèmes de la vertu et de l'action prudente, dont le titre est Éthique à Nicomaque, lui fut dédié.
Sa troisième et dernière période de production se place ainsi au Lycée (-335/-323), pour treize ans. De cette période relèveraient le livre VIII de la Métaphysique, les Petits traités d'histoire naturelle, l' Éthique à Eudème, l'autre partie de Éthique à Nicomaque (livres IV, V, VI), de la Constitution d'Athènes, des Économiques.
Il accompagna peut-être Alexandre le Grand en Asie Mineure, en Syrie et en Égypte, entre -335 et -331. Ce n'est pas historiquement certain. À la mort d’Alexandre le Grand, en -323, Aristote, menacé par le parti anti-macédonien, estima prudent de fuir Athènes.
Cette même année -322, à Chalcis, ville de sa mère, dans l'île d'Eubée, Aristote mourut, à l'âge de 63 ans. Il serait mort d'une maladie d'estomac, qui le minait depuis très longtemps. Son corps fut ramené à Stagire. Théophraste, son condisciple et meilleur ami, succéda à Aristote à la tête du Lycée. Le Lycée subsistera jusqu'en 529 après J.C., quand l'empereur romain Justinien Ier voulut mettre fin à la philosophie "païenne". Les biographes (surtout Diogène Laërce) décrivent Aristote avec un défaut : il bégaie ou bien il a un cheveu sur la langue. Il est petit, trapu, avec des jambes grêles, les yeux petits et enfoncés. Chose rare pour l'époque, il n'a pas la barbe. En revanche il porte des bijoux et du linge fin. Comme plus tard Kant, il donne grand soin à sa toilette.
L’évolution de l’œuvre et sa transmission
On sait qu'Aristote écrivit dans sa jeunesse des dialogues à la manière de Platon. Il n'en reste que de rares fragments (Eudème, Protreptique, La Philosophie, ou Du Bien, etc.). Cicéron parle « d’un fleuve d’or de son éloquence » et les juge mieux écrits que ceux de Platon. Ces dialogues représentent les "discours exotériques" (έξωτερικοί λόγοι) d’Aristote, destinés à un public large. En revanche, les notes de cours que nous possédons sont l’œuvre technique d’Aristote, énorme, destinée au public du Lycée. Certains (dont Simplicios, Plutarque, Clément d'Alexandrie, Pic de la Mirandole) ont pu croire que l’œuvre d’Aristote contenait des enseignements ésotériques. Il n'en est rien, et le mot "ésotérique" n'apparaît pas : aux "discours exotériques" Aristote oppose des cours philosophiques (οἱ κατὰ φιλοσοφίαν) et le commentateur Aulu-Gelle des notes "acroamatiques" (ἀκροαματικά), c'est-à-dire des leçons orales (ἀκρόασεις), pour des disciples avancés en science platonicienne ou aristotélicienne, pas pour des initiés de type pythagoricien.
Après sa mort, son œuvre perdure, grâce à de nombreux continuateurs, comme son élève et successeur Théophraste. Vers -60, Andronicos de Rhodes, onzième successeur d'Aristote à la tête du Lycée, fut chargé par Rome de restaurer le corpus aristotélicien laissé dans une cave. Il donna des titres à des recueils de textes qu'il a lui-même rassemblés et qui ne doivent rien à Aristote. Tous les recueils sont dans un des trois groupes suivants : sciences théorétiques, sciences pratiques ou sciences poétiques.
Des disputes politiques et théologiques ont marqué les relations entre les mondes grec et latin tout au long de l'Antiquité tardive et du Haut Moyen Âge. Disputes souvent liées à la nature divine et humaine du Christ et aux controverses à ce sujet. Les querelles de mots étaient d'autant plus importantes que chacune des deux cultures dominantes de l'Europe et de la Méditerranée privilégiait sa propre langue. L'idiome de référence des débats constituait une importance capitale dans cet affrontement culturel. Chacun s'est recentré sur sa langue de prédilection et l'Europe latine a relativisé l'importance du grec dans l'enseignement et la vie intellectuelle. Au bas Moyen Âge, les enjeux n'étant plus les mêmes, il revient un intérêt pour l'héritage grec et en particulier Aristote. Mais la situation politique est alors toute différente. Au Proche-Orient, Byzance est en concurrence avec le monde musulman qui s'étend à l'Égypte et à la Syrie, anciens foyers culturels grecs de première importance. Les ouvrages classiques grecs sont très tôt traduits en arabe qui devient une langue de diffusion de ce savoir. Par l'Andalousie musulmane, en particulier, le mode de diffusion est plus rapide et concurrence celui de Byzance.
La vie intellectuelle en Islam, aux mêmes époques, est imprégnée d'hellénisme. On peut citer parmi d'autres Al Kindi et, surtout, au XIIe siècle, Averroès (Ibn Rushd) ainsi que le philosophe, théologien et médecin juif Maïmonide.
Cette transmission de l'héritage grec et donc aristotélicien non seulement par l'idiome grec ou latin mais aussi parfois par la langue arabe, au début du bas Moyen-âge, est aujourd'hui de nature polémique. La reconnaissance d'un rôle plus ou moins important de la culture arabo-musulmane dans le dialogue des civilisations porte en soi une charge politique et émotionnelle importante des deux côtés de la Méditerranée. Ainsi, les vifs débats autour des projets de constitution pour l’Europe qui ont porté sur des mentions explicites à ce que doit la culture européenne à la pensée chrétienne occidentale, ont mené certains polémistes à prendre à partie les recherches historiques effectuées sur les transmissions de la pensée aristotélicienne (notamment les phases de traductions vers le latin), dans le but d’y minimiser le rôle des héritiers arabo-musulmans de la pensée aristotélicienne
Le développement des idées d’Aristote
L’état du corpus aristotélicien pose la question de l’ordre de rédaction de l’ensemble des œuvres d’Aristote ; dans son Histoire de la philosophie des Grecs, Édouard Zeller écrit :
« Toutes les œuvres en question appartiennent aux dernières années de la vie d’Aristote. Si un jour une heureuse découverte devait enrichir nos connaissances sur l’ordre chronologique de ces écrits, il n’y aurait pourtant pas à espérer que l’ouvrage le plus ancien nous fasse remonter à une époque où Aristote travaillait encore à son système. Dans toutes ses parties, celui-ci se présente à nous comme un tout achevé ; nulle part nous ne voyons encore l’architecte à l’œuvre. »
Cette hypothèse fut longtemps admise, et cette influence s’explique par la conception scolastique de la philosophie d’Aristote. L’exégèse traditionnelle, selon l’expression de Werner Jaeger, lui a ainsi donné un air rigide de schématisme conceptuel. C’est pourquoi, dans l’histoire de l’interprétation aristotélicienne, l’œuvre de Jaeger (Aristoteles, Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung) est considérée comme un événement majeur. Au lieu de présenter un système tout fait, Jaeger s’efforce de retrouver le devenir interne de la doctrine. Il divise ce devenir en trois étapes :
* L’époque de l’Académie : époque du dogmatisme platonicien.
* Les années de voyage : naissance d’un platonisme critique.
* Le maître : second séjour à Athènes, et avènement de l’aristotélisme proprement dit.
Source : Wikipédia.