"Il y a toujours dans le groupe en marche (en fuite?)
un jeune homme à l'esprit délétère qui porte, en plus
du poids du ciel affalé sur le désert, une peine sup-
plémentaire – dans les couloirs de sa tête des milliers
de battements d'ailes, des pâturages sans limites, des
filles aux lèvres fruitières. Il connaît déjà la mer, la
vastitude de l'eau dansante et l'écartèlement des
rivages. Une solitude l'enveloppe, lui tisse une aura
d'étrangeté, l'exclut de la caravane. C'est pourtant à
lui de trouver l'eau, la parole qui revigore, c'est à lui
de révéler le territoire – de l'inventer au besoin.
C'est à lui de relater l'errance, de déjouer les pièges
de l'aphasie, de tendre l'oreille aux chuchotements,
de nommer les terres traversées."
Tahar Djaout, L'invention du désert, 1987