Mémoires de transsexuelle à Beyrouth, une première dans le monde arabe
De Natacha YAZBECK (AFP) – 12/08/ 2010 AFP.
BEYROUTH — Randa est née garçon. Dans ses mémoires publiées cette année, cette Algérienne trentenaire raconte son combat pour briser les interdits en devenant transsexuelle, une première littéraire dans le monde arabe.
"Mémoires de Randa la trans" est le récit à la fois honnête et choquant de la lutte de Randa contre le système patriarcal, la société et la religion dans son Algérie natale.
Co-écrit avec un journaliste libanais, Hazem Saghieh, le livre de 144 pages, publié en arabe cette année à Beyrouth, dépeint d'une liberté troublante la vie de Randa: son enfance en tant que garçon, sa première expérience sexuelle avec un homme, son choix de devenir femme.
"J'avais le choix, je le savais", raconte à l'AFP cette transsexuelle mince aux cheveux noirs et longs qui ne souhaite pas révéler son âge. "Je pouvais soit me suicider, soit entamer un traitement hormonal et vivre comme une femme, au risque d'être tuée par quelqu'un d'autre".
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Aujourd'hui, elle vit à Beyrouth, où elle s'apprête à finaliser le processus chirurgical, qui la transformera en femme.
Si la loi libanaise sanctionne "les relations sexuelles contre nature" d'un an d'emprisonnement maximum, elle ne fait pas mention des opérations de réattribution de sexe.
Malgré bien des aspects conservateurs dans ce petit pays méditerranéen, sa société reste relativement tolérante et la réputation des médecins a encouragé les personnes de différentes orientations sexuelles à y trouver refuge.
"On me demande souvent +pourquoi tu abandonnes le privilège d'être un homme pour devenir quelqu'un de pire qu'une femme qui est née femme+", dit Randa. "Nous devons leur faire comprendre que le mot +transsexuel+ n'a rien à voir avec le sexe ou le plaisir, mais avec l'identité".
Noël Nakhoul, un psychologue qui travaille avec des personnes qui s'interrogent sur leur identité sexuelle, affirme que malgré l'absence de statistiques, le Liban reste de loin le pays le plus populaire pour les communautés marginalisées dans le monde arabe.
"Pour eux, c'est un pays démocratique, du moins d'un point de vue social", affirme M. Nakhoul à l'AFP.
Le chirurgien Antoine Eid estime qu'une personne sur 50.000 au Liban au moins souffre de dysphorie sexuelle.
"Nous sommes très sélectifs et une consultation psychologique pendant un an est nécessaire avant la prise de décision", souligne-t-il.
12/08/ 2010 AFP.