L’Aguellid Massinissa, souverain de la lignée des Massyles a toujours occupé une place de choix dans la littérature et les sources gréco-latines, mettant en valeur sa personnalité et son œuvre. Les historiens modernes n’ont pas manqué de s’intéresser à ce monarque en armes, doté d’un projet politique ambitieux qui dépassait et de loin la simple réunification de la Numidie pour asseoir son emprise sur toute la Berbérie.
La postérité aura gardé de lui son puissant slogan, «L’Afrique aux Africains». En langage politique contemporain, Massinissa était un souverainiste acharné dans la mesure où il tentait de résister aux guerres de leadership et aux hégémonismes sans partage des deux expansionnismes romain et carthaginois. Cette ambition ne fut pas vaine puisque Massinissa fut le premier souverain qui rassembla la quasi-totalité de l’Afrique du Nord et instaura un Etat souverain et organisé. Bien évidemment, la recherche historique ne fut pas épargnée par les controverses, interprétations et autres thèses favorables ou défavorables à ce roi guerrier. Une chose est sûre, jamais souverain numide ne souleva autant d’intérêt que lui.
C’est pourquoi, il n’est pas excessif de dire que le Haut Conseil de la langue arabe, a fait œuvre utile en proposant à un large public, la traduction intégrale de la monumentale étude de Gabriel Camps, protohistorien et chercheur émérite, intitulée «Aux origines de la Berbérie : Massinissa ou les débuts de l’histoire ». Ce livre a été traduit par le Professeur Larbi Aggoune maître de conférences à l’université de Constantine et auteur de plusieurs travaux historiques.
Le travail de Gabriel Camps est mis à la disposition des chercheurs, des historiens, des étudiants et d’un large spectre de lecteurs, dans une version en langue arabe.
C’est là un mérite qu’il faut saluer tant il nous semble que le travail de traduction vers la langue arabe, dans un domaine scientifique et académique aussi fin et pointu que celui de l’histoire ancienne de l’Algérie et de l’Afrique du Nord d’une façon générale, n’est pas réputé pour sa richesse et son abondance.
Gabriel Camps, chercheur né en Algérie, allie formation académique et une certaine passion du métier qu’il exerce même si fatalement, il lui est fait parfois grief de commettre des erreurs, de fournir des argumentations, d’aboutir à des analyses et à des conclusions qui ne font pas l’unanimité autour de ses travaux.
C’est somme toute prévisible. D’ailleurs, est-il possible d’être constamment objectif lorsqu’il s’agit des sciences humaines et à fortiori des sciences historiques. Il n’empêche, le Pr. Larbi Aggoune s’est mis à l’abri des querelles de clocher, des jugements et autres controverses qui alimentent immanquablement chaque étude historique pour ne s’en tenir qu’à l’essentiel. Toutefois, il n’omet pas de mentionner dans l’introduction de sa publication, que son travail arrive un peu tardivement.
Le livre de Gabriel Camps a paru d’abord, dans Libyca, bulletin du Service des Antiquités, Anthropologie et Epigraphie dans son numéro VIII daté du premier semestre 1960. En faisant la traduction de ce livre, Larbi Aggoune estime que l’exhaustivité et une impulsion vigoureuse dans le vaste champ de la traduction historique ne peuvent trouver leur terrain de prédilection qu’à la faveur d’une ouverture d’esprit, d’un sens avéré de l’investigation qui s’accomplissent sans discrimination, sans préjugé de quelque nature que ce soit, sans a priori idéologique et académique.
Il rejette une espèce de suspicion que certains de nos compatriotes historiens ne manquent pas d’avoir à l’égard des historiens dits « coloniaux » sous prétexte que leurs travaux ne sont pas au-dessus de tout soupçon. Il ne faut rien négliger, martèle-t-il. L’auteur s’est efforcé comme il l’a annoncé, d’être aussi fidèle que possible au livre de Gabriel Camps en veillant à sa traduction systématique, en conservant même les notes, références bibliographiques, commentaires de bas de page.
Le lecteur de langue arabe a donc accès à un ouvrage qui très certainement, n’est pas dénué d’intérêt. C’est une contribution qui mérite d’être appréciée à sa juste valeur.
Gabriel Camps est un préhistorien qui s’intéresse aux origines pré et protohistoriques des Berbères. Sa thèse principale traite des origines de la Berbérie à travers l’étude des monuments et les rites funéraires. En consacrant en complément, un livre sur Massinissa le grand roi numide, Gabriel Camps aborde ce qu’il considère comme les premiers temps de l’histoire de l’Afrique du Nord.
M. Bouraïb in El Moudjahid 09/08/2011
*Trad. en langue arabe de Larbi Aggoune. Edition du Haut Conseil de la Langue arabe. Alger 2010.