La santé mentale des Algériens laisse à désirer ! Ainsi, ils seraient près de 3 millions à souffrir de schizophrénie, l’un des troubles mentaux les plus extrêmes
« L’on estime globalement que près de 1% d’une population en est atteinte. Ce chiffre est universel, sous toutes les latitudes et dans tous les contextes », explique le Pr Tedjiza, chef du service psychiatrie à l’hôpital Drid Hocine et président de la Société médico-psychologique algérienne. Seulement, ce pourcentage, en Algérie, ne représente que les formes graves de la maladie. « Lorsqu’on parle de schizophrénie, l’on juge qu’il y a un recul séculaire partout ailleurs dans le monde avec des formes bénignes, même dans les pays du tiers-monde. Mais en Algérie, cette assertion n’est pas vérifiée car nous ne disposons pas d’assez de recul », analyse le professeur. Et pour cause : les troubles mentaux ne sont pas uniquement le fait de la seule prédestination génétique. Il s’agit aussi et surtout d’une collision avec les évènements, car le stress majeur et les traumatismes sont déterminants dans le développement ou non d’une maladie. Et l’Algérie ayant connu et connaissant toujours de graves évènements anxiogènes, les citoyens ont tendance à être d’autant plus fragilisés et ainsi exposés aux troubles. « Pis, rares sont les formes bénignes de schizophrénie enregistrées. La plupart sont malignes car la répétition des stress et stimuli traumatisants entretient et aggrave les maux », prévient le Pr Tedjiza.
D’ailleurs, « et sans vouloir paraître alarmiste », précise-t-il, il semble évident que ce taux de 1% est largement dépassé en Algérie tant le cumul des facteurs déclenchants est important et tant le traitement n’est pas systématique. « L’un des autres facteurs péjoratifs et qui induit un pronostic des plus défavorables est précisément le délai de mise en action d’une prise en charge adéquate », déplore-t-il. Mais ces retards ne sont toutefois pas tant dus à une carence du dispositif de prise en charge que plutôt à une permissivité de la famille vis-à-vis du malade, ou encore une répugnance et une réticence du sujet à aller consulter. « Pour différentes considérations, les troubles mentaux demeurant un sujet tabou dans notre société », s’attriste-t-il.
5% de la population sujette à la dépression nerveuse
D’ailleurs, le centre hospitalo-universitaire de psychiatrie Drid Hocine reçoit, à titre d’exemple, une moyenne de 20 000 consultations annuelles. De même, une moyenne de près de 2000 patients est hospitalisée annuellement dans cette même structure. Ce qui est loin de refléter les réalités d’une population « maltraitée ». Et qui est d’autant plus sujette à la dépression nerveuse, qui est l’affection mentale la plus fréquente. Dans le monde entier et en Algérie particulièrement, le taux de prévalence est de 5%. « Certains guérissent, d’autres, malheureusement, se suicident », affirme le Pr Tedjiza. Et ces situations sont plus fréquentes que l’on tend à le croire. Même si aucune statistique ou étude probante ne sont disponibles, l’on dispose de quelques éléments de comparaison. Il semble d’ailleurs que la courbe des suicides soit alarmante. « En Algérie, nous pouvons largement estimer qu’ils sont 6000 à mettre fin à leurs jours », avance-t-il, ajoutant toutefois que ces assertions sont encore en deçà de la réalité puisque « nombre de suicides sont dissimulés et travestis, par peur de l’opprobre, de la réprobation publique et sociétale, morale et religieuse ».
Par Ghania Lassal
El Watan 27 juin 2010